Eric Bidet, Hyungsik Eum - Universitas Forum, Vol. 3, No. 2, June 2012
EN PRATIQUE
PROTECTION SOCIALE ET INNOVATION SOCIALE: L'EXPERIENCE DES ENTREPRISES SOCIALES EN COREE DU SUD


Eric Bidet, Hyungsik Eum *

Introduction

La Corée du sud a connu au cours des dernières décennies un développement spectaculaire qui a longtemps servi de réponse à la résolution des questions sociales. Le dilemme croissance économique vs politiques sociales a pris une tournure nouvelle dans le courant des années 1990 avec l'entrée du pays dans l'OCDE d'une part, à cause de la crise de la fin des années 1990 d'autre part.

Sous l'influence d'une société civile dynamique relayée par un pouvoir politique progressiste, la Corée du sud s'est alors engagée dans un développement de son système de protection sociale qui a débouché sur l'émergence d'un nouveau welfare-mix au sein duquel l'entreprise sociale est devenu un acteur important pour apporter une réponse à la question du chômage -et plus largement celle de l'exclusion ou du retrait du marché du travail- et à l'émergence de nouveaux besoins sociaux et environnementaux auxquels les dispositifs publics et la sphère familiale n'apportent pas une réponse insuffisante.

Dans une première partie, ce texte revient sur les principales transformations et caractéristiques du système sud-coréen de protection sociale. La deuxième partie analyse le développement récent de l'entreprise sociale et la troisième partie présente plus spécialement une des formes d'entreprise sociale qui apparait spécialement novatrice : la coopérative médicale.

Eric BIDET remercie la Korea Foundation pour le soutien qu'elle apporté à la réalisation d'enquêtes de terrain qui ont servi à la réalisation de cet article.
EUM Hyungsik a conduit cette recherche dans le cadre du projet "If not for Profit, for What and How?" du programme Pôles d'attraction interuniversitaires de la Politique scientifique fédérale de Belgique (BELSPO).

1. La protection sociale en Corée du sud

La Corée du sud est un cas intéressant si l'on considère la situation et l'évolution récente de son système de protection sociale. Pays parmi les plus pauvres au monde à la fin des années 1950, sortant d'une guerre civile particulièrement meurtrière et dévastatrice pour ses institutions, la Corée a en effet clairement effectué le choix d'une résolution des questions sociales par la croissance économique pendant les décennies 1960-1980, ce qu'on a appelé le « growth absolutism », caractéristique des pays asiatiques incarnant le miracle économique que la Banque mondiale soulignait au début des années 1990. Ce consensus a conduit à maintenir les dispositifs de protection sociale à un niveau extrêmement bas considérant qu'ils constituaient un frein à la croissance économique et que celle-ci apportait in fine une
meilleure réponse aux questions de pauvreté et de répartition du revenu.

Ce point de vue s'est appuyé par ailleurs sur des systèmes traditionnels d'entraide très solides au sein de la famille qui ont contribué à cantonner un grand nombre de besoins en services sociaux au sein de la sphère familiale et justifié que les rares dispositifs mis en place le soient essentiellement en direction de deux segments de population opposées : d'une part les plus dépourvus pour leur apporter un soutien minimal évitant une ostracisation sociale trop irréversible susceptible de déstabilisation sociale, d'autre part les plus nantis des salariés -les différentes catégories de fonctionnaires- pour s'assurer de leur docilité vis à vis du pouvoir politique. C'est sur cette base que s'est développée en Corée, comme au Japon, la combinaison d'un système de protection sociale résiduel que les spécialistes ont qualifié « d'Etat-Providence confucianiste » (Jones, 1993) ou de « système de protection sociale de type japonais » (Goodman, Peng, 1996) et d'un important « capitalisme d'Etat » s'appuyant sur une étroite collaboration entre l'administration et quelques grandes entreprises (les chaebols).

Ce consensus pour un système de protection sociale minimal et essentiellement résiduel a été remis en question par deux événements successifs dans la deuxième moitié des années 1990. Le premier a été, en 1996, l'entrée de la Corée du sud dans l'OCDE qui a accru la pression extérieure pour s'aligner sur les standards internationaux et contraindre la Corée à réduire l'avantage comparatif lié à un coût du travail maintenu à un bas niveau par le bas niveau des prestations sociales obligatoires. L'OCDE soulignait ainsi en 1999 que la part de dépenses publiques de protection sociale au moment où avait été franchie la barre de 10 000 $ de PIB/habitant était de 4% en Corée comparée à 10% au Japon, 20% au Royaume-Uni et 25% en Suède. Esping-Andersen (1990) avait déjà noté au début des années 1990 combien l'effort de protection sociale effectué en Corée était très insuffisant comparé à son niveau de développement. Le second événement a été, en 1997, la crise financière qui remis en cause le modèle de développement sud-coréen et conduit le pays à demander l'aide financière du FMI, révélant la grande précarité de certaines catégories de travailleurs et brisant l'illusion qui avait été entretenue d'un système de plein emploi profitant à tous et apportant une protection à tout le monde.

Sous l'effet de ces deux pressions conjointes, l'une exogène émanant de la communauté internationale, l'autre endogène et émanant en particulier de la société civile qui a acquis une liberté d'expression après la démocratisation de la fin des années 1980, la Corée amorce à la fin des années 1990 un virage radical en matière de protection sociale. Alors qu'auparavant les politiques sociales étaient le fait d'un petit cercle de décideurs politiques sans que les citoyens n'aient voix au chapitre, s'organise à partir de la fin des années 1990 ce que Kwon (2007) appelle une « coalition civique » au sens large qui prend une part active à la définition des politiques sociales durant la décennie 1998-2008.


Dans les locaux de la coopérative médicale d'Anseong [© Aeyoung CHO]

Parmi les principaux résultats : l'assurance maladie est réorganisée et étendue jusqu'à couvrir pratiquement toute la population ; l'assurance chômage qui était dérisoire en montant et en portée est également étendue à plusieurs reprises ; l'assurance vieillesse qui se limitait à quelques régimes particuliers très généreux et un minimum vieillesse de niveau ridicule est étendue à l'ensemble des travailleurs ; un ambitieux système de revenu minimum d'insertion est mis en place et sert de tremplin pour le développement du concept d'entreprise sociale.
Aujourd'hui, il est indéniable que la situation de la protection sociale en Corée ne correspond plus au modèle que décrivaient dans les années 1990 des auteurs tels que Jones ou Goodman et Peng. L'orientation, à partir de la fin des années 1980, et surtout après la crise financière de la fin des années 1990, vers un modèle plus généreux et plus étendu est incontestable. Il en résulte notamment l'augmentation de l'espérance de vie la plus importante au sein de l'OCDE au cours des 40 dernières années (Jones, 2010). A la fin des années 1990, Kuhnle avait même cru déceler dans la Corée un terrain de développement pour un modèle de protection sociale proche de celui adopté dans les pays scandinaves, c'est à dire le modèle « social-démocrate » dans la typologie d'Esping-Andersen (Kuhnle, 2002). La réalité actuelle est loin cependant de confirmer la prédiction de Kuhnle. Il est vrai que l'orientation vers un système universel d'assurances sociales obligatoires distingue désormais très clairement la Corée d'un pays comme les Etats-Unis. De ce point de vue, la Corée a suivi la voie tracée par le Japon, luimême principalement inspiré par le système de protection sociale de pays comme l'Allemagne ou la France. Cela étant, quand on regarde les choses plus en détail, la comparaison entre la protection sociale en Corée et en France ou en Allemagne apparait encore très imparfaite, a fortiori celle avec les pays scandinaves.

Ainsi, si on considère le poids des dépenses de sécurité sociale par rapport au PIB, la Corée se situe encore très loin des pays européens, dans une situation qui la rapproche davantage des Etats-Unis ou du Japon. En 2007, les dépenses publiques de protection sociale s'élevaient à 7.5% du PIB, très loin de la moyenne de l'OCDE (21.2%). En 2010, avec des dépenses totales de protection sociale représentant 11% de son PIB, la Corée était classée au second plus bas rang des pays de l'OCDE et au troisième plus bas pour les seules dépenses de santé (6.3% du PIB en 2007). Mais comme le montre Yang JY (2011) dans le graphique ci-dessous, ce sont les dépenses de protection sociale consacrées à la famille et l'emploi qui demeurent particulièrement peu développées :


Extrait de Yang Jae-Yin (2011)

Des éléments propres à chaque dispositif de protection sociale combinés à une forte propension de la part des employeurs à contourner les obligations légales (voir Cho, Kim et Kwon, 2008) en limitent de fait l'étendue à la fois en ce qui concerne l'étendue des bénéficiaires et le niveau des bénéfices offerts. Ainsi, le dispositif de revenu minimum, qui est en théorie assez généreux (environ 1 000 $/mois pour un couple avec 2 enfants), est en réalité de portée très modeste car des conditions très restrictives en limitent l'accès si bien qu'il ne profite qu'à un faible pourcentage des ménages considérés comme pauvres selon les statistiques. De même, beaucoup de chômeurs ne touchent aucune allocation chômage ou en perçoivent durant une période trop courte qui ne permet pas le retour à l'emploi et encore moins l'accès à un emploi stable. Quant au système de retraite, il a intégré la majeure partie des travailleurs trop récemment pour leur permettre de recevoir ou d'espérer en recevoir un revenu de substitution, ce qui explique que la Corée affiche un taux d'emploi des plus de 65 ans particulièrement élevé comme l'a souligné Yun (2010).

L'étendue encore très relative du système de protection sociale coréen découle notamment de la priorité donnée au workfare dès le milieu des années 1990 qui limite de fait le bénéfice d'une couverture sociale étendue aux seuls travailleurs, et surtout en fait aux travailleurs salariés ayant un emploi stable, c'est à dire à moins de 35% de la population active. On observe en effet depuis une dizaine d'années une dualité de plus en plus accentuée entre d'un côté des emplois stables accompagnés d'une bonne protection sociale et de l'autre des emplois précaires assortis d'une protection sociale souvent élémentaire. Cette inégalité de statut entre les travailleurs ne permet pas de mettre en place la solidarité nécessaire au fonctionnement d'un système de protection sociale qui se voudrait véritablement universel.


La première coopérative médicale à Anseong (à l'occasion d'une formation collective organisée par la
Fédération Nationale des Coopératives Médicales) [Source: FNCM]

Holliday et Kwon (2007) en concluent que le caractère fondamental de la protection sociale en Corée n'a pas été profondément modifié par les aménagements récents et reste essentiellement celui d'un système de « productive welfare » où la protection sociale est une variable d'ajustement qui est assujettie aux objectifs économiques. Le modèle de protection sociale vers lequel s'oriente la Corée depuis quelques années est en fait marqué par la recherche d'un nouveau welfare-mix qui, comme en Europe, répond essentiellement à l'objectif de contenir les dépenses publiques et éviter de leur donner un caractère irréversible.

Il apparait pourtant que se développe depuis une dizaine d'années un nouveau type de welfare-mix faisant intervenir de nouveaux acteurs privés. Comme cela a été souligné, par exemple par Kim (2008), le système de protection sociale coréen intègre depuis longtemps différents types de prestataires, mais jusqu'à récemment ces prestataires non publics intervenaient essentiellement selon deux modalités : d'une part des prestations fournies par les grandes entreprises au bénéfice de leurs employés (y compris en matière de retraite à travers le severance pay system) pour s'assurer leur loyauté et augmenter leur productivité, d'autre part des prestations de base fournies surtout aux plus démunis par des structures associatives ou -plus rarement- coopératives intervenant dans le cadre d'un contrôle étroit des pouvoirs publics selon un processus top-down caractéristique de la culture confucianiste et du régime politique dictatorial qui a régné jusqu'à la fin des années 1980.

Plusieurs réformes légales récentes ont contribué à modifier ce paysage, en particulier l'assurance pour les soins de longue durée introduite en 2008 qui garantit des moyens financiers nouveaux à la fourniture de soins par le secteur privé, à but lucratif ou non, la loi pour la promotion de l'entreprise sociale de 2006 et la loi coopérative de 2012 qui offre un nouveau cadre juridique pour des initiatives entrepreneuriales à but non lucratif.

2. Le récent développement de l'entreprise sociale en Corée du Sud

Aujourd'hui, la Corée du sud est un des pays qui a le plus valorisé le concept d'entreprise sociale à travers une reconnaissance légale et des politiques publiques spécifiques. L'entreprise sociale, l'entreprise coopérative et, plus largement, l'économie sociale y sont désormais perçus comme des outils appropriés pour répondre à certaines questions sociales, notamment la double problématique de l'emploi et des services sociaux, et comme un moyen efficace de mobiliser des ressources marchandes et des ressources privées non marchandes pour répondre aux besoins sociaux croissants qui découlent de certaines évolutions sociodémographiques majeures (montée du travail féminin, recul des solidarités familiales, vieillissement très rapide de la population, développement de l'immigration, etc.)

Dans un précédent article (Bidet et Eum, 2011), nous avons identifié trois approches différentes de l'entreprise sociale en Corée. La définition officielle utilisée par le ministère du travail renvoie uniquement aux entreprises qui ont été certifiées comme telle en vertu de la loi de 2006 pour la Promotion de l'entreprise sociale (ce qu'on appelle les entreprises sociales certifiées). Une approche plus large inclut également des organisations engagées dans l'insertion des personnes en difficulté, notamment les entreprises d'insertion qui ont été mises en place dans le cadre du dispositif de revenu minimum (National Basic Livelihood System) qui valorise le concept d'auto-suffisance (self-sufficiency), celles qui s'adressent
principalement aux personnes âgées ou aux personnes handicapées et celles découlant du programme de soutien aux emplois d'utilité sociale (social jobs). Une approche encore plus large renvoie à un ensemble, encore assez vague car moins institutionnalisé, qui regroupe les différentes formes d'organisations à finalité sociale ou socialement novatrices.

La loi de 2006 pour la Promotion de l'entreprise sociale requiert trois conditions pour être certifiée comme entreprise sociale : avoir une finalité sociale, réaliser une activité économique et être à but non lucratif. La finalité sociale est appréciée à l'aune d'un des 5 axes identifiés dans la loi : l'insertion des personnes en difficulté (au moins 50% des travailleurs), l'offre de services sociaux à des publics défavorisés (au moins 50% des bénéficiaires), la combinaison des deux (au moins 30% de personnes dans les deux catégories), le développement local ou communautaire (au moins 20% des travailleurs ou des bénéficiaires doivent être des personnes en difficulté de la communauté où est implantée l'entreprise sociale) et une catégorie « autre » qui accueille des projets ne relevant d'aucune des quatre catégories précédentes, en particulier ceux relevant du domaine environnemental. Réaliser une activité économique signifie que l'entreprise sociale doit, au moment où elle demande la certification, couvrir au moins 30% de sa masse salariale par des transactions commerciales. Le but non lucratif est garanti soit par l'adoption d'un statut légal interdisant de fait la distribution de bénéfices (les statuts de « associative corporation », « non-profit association », « consumer co-operative » ou « welfare corporation »), soit par l'adoption d'un statut d'entreprise et l'introduction de règles statutaires autorisant à distribuer au maximum un tiers des bénéfices réalisés.

Le nombre d'entreprises sociales remplissant ces conditions a augmenté de manière regulière via des procédures de certification organisées quatre fois par an. En novembre 2012, les principales données concernant les entreprises sociales certifiées étaient les suivantes:

Nombre d'entreprises sociales certifiées

Année Candidatures Certifications Taux de certification En activité
2007 166 55 33% 45
2008 285 166 58% 148
2009 199 77 39% 76
2010 408 216 53% 209
2011 255 155 61% 154
2012 218 91 48% 91
Total 1531 760 50% 723

(Source: Korea Social Enterprise Promotion Agency, 2012)

Répartition selon la finalité sociale

Insertion Services sociaux Mixed Développement local AutresTotal Total
434 53 124 8 104 723

(Source: Korea Social Enterprise Promotion Agency, 2012)

Répartition selon le statut juridique

Entreprise Organisation à but non lucratif Total
Associative
corporation
Non-profit
association
Welfare
corporation
Consumer
co-operative
Agriculture
corporation
338 161 113 82 13 16 723

(Source: Korea Social Enterprise Promotion Agency, 2012)

Répartition par domaine d'activité

Education Santé Assistance
sociale
Environnement Culture Enfance Soins aux
personnes
Autres Total
44 12 98 122 109 22 58 258 723

(Source : Korea Social Enterprise Promotion Agency, 2012)

Le développement important des entreprises sociales certifiées est étroitement lié au fait que le gouvernement a mis en place un ensemble de mesures pour rendre particulièrement attractif cette certification. Ces mesures incluent notamment un régime fiscal favorable, des emplois subventionnés, des exonérations de cotisations sociales, la possibilité d'emprunter à un taux avantageux, un accès facilité aux marchés publics, etc. Elles sont proposées aux entreprises sociales pendant 3 à 5 ans avant ou après leur certification. Kwak (2010) observe que le pourcentage d'emplois subventionnés dans les entreprises sociales certifiées est passé de 46.6% en 2007 à 61.2% en 2009. Bien que ce résultat puisse être partiellement imputé à la crise économique, certains mettent cette évolution sur le compte d'une volonté gouvernementale de pouvoir rapidement montrer des résultats et se sont alarmés que le dispositif de certification des entreprises sociales ait surtout généré des entreprises non rentables et même attiré de « fausses » entreprises sociales par un effet d'aubaine. Il semble en effet que beaucoup d'entreprises sociales soient en situation de sur-emploi en raison de l'effet d'aubaine que constituent les emplois subventionnés et qu'elles n'aient d'autre choix que de réduire leurs effectifs de manière drastique en cas de réduction du soutien public.

Pour atténuer en partie cet effet d'aubaine, les politiques publiques s'orientent vers des mesures permettant de créer un environnement offrant aux entreprises sociales la possibilité de fonctionner de manière plus rentable, via des soutiens moins directs (accès au financement, au conventionnement et aux marchés publics, actions de formation, soutien à la mise en réseau des acteurs, etc.) Par ailleurs, depuis 2010, deux tendances fortes marquent les politiques publiques en direction des entreprises sociales : d'une part l'implication de nouveaux ministères, d'autre part l'intervention de plus en plus importante des collectivités locales.

Le dispositif de certification de l'entreprise sociale, qui est contrôlé depuis la loi de 2006 par le ministère de l'emploi et du travail, a été partiellement étendu à d'autres ministères à travers des contrats interministèriels passés dans le cadre du programme de création d'emplois dans des entreprises sociales « pré-certifiées » (« pre-social enterprise job creation programme ») relevant de secteurs spécifiques à ces ministères (par exemple, des initiatives dans le domaine du soutien scolaire que soutient le ministère de l'éducation). L'objectif est que ces entreprises sociales pré-certifiées deviennent au bout de deux ans des entreprises sociales certifiées. En avril 2011, on comptait 531 entreprises sociales pré-certifiées et 1300 en novembre 2012.

Certains ministères ont également mis en place des dispositifs très comparables à celui de l'entreprise sociale certifiée, l'un des plus développés étant celui de l'entreprise communautaire -ou village entreprise- qui a pérennisé un programme d'urgence lancé lors de la crise de 2008, le « Hope Programme ». Inspiré des expériences du développement communautaire au Canada ou au Royaume-Uni, le dispositif de soutien à l'entreprise communautaire est contrôlé par le ministère de l'intérieur (ministry of public administration and security) et mis en place par les autorités publiques régionales pour apporter un soutien de 2 ans à des initiatives s'inscrivant dans une logique de développement territorial. En avril 2011, il bénéficiait à 470 entreprises. Parmi les autres dispositifs du même genre, on peut citer le dispositif de « community business » dépendant du ministère de l'économie, celui de « rural community business » mis en place par le ministère de l'agriculture et celui, déjà évoqué, de soutien aux entreprises sociales d'insertion du ministère de la santé et des affaires sociales.

L'autre tendance intéressante est l'implication croissante des acteurs locaux dans ces différent dispositifs de soutien à l'entreprise sociale. Dès la fin de l'année 2008, certaines provinces ont introduit des décrets locaux ou régionaux visant à promouvoir l'entreprise sociale. Dans le contexte des élections régionales de 2010, de nombreuses autorités locales ont également pris des mesures aboutissant à la définition d'entreprises sociales de type régional (par exemple l'entreprise sociale de Séoul) inspirées par le modèle de l'entreprise sociale certifiée. Cette implication des autorités régionales s'appuie financièrement sur la décentralisation de certains budgets, notamment celui concernant le « (pre) social enterprise job creation programme » qui a donné aux collectivités locales une plus grande compétence pour identifier et apporter
un soutien à des initiatives locales reconnues comme entreprises sociales pré-certifiées.


Consultation à la coopérative médicale de Daejeon [© Aeyoung CHO]

La dissémination de cet intérêt pour l'entreprise sociale apporte des moyens importants qui permettent et rendent visibles un grand nombre d'initiatives en même temps qu'elle marque une concurrence entre ministères et génère une concurrence entre acteurs en termes de légitimité pour incarner le plus parfaitement la dynamique et l'innovation sociales. Durant la période 2007-2012, les entreprises sociales certifiées se sont développées de manière importante grâce à un soutien fort des autorités publiques. Ce développement a donné lieu à une réflexion très dynamique sur le concept même d'entreprise sociale et a contribué à l'émergence d'autres concepts tels que ceux d'économie sociale, de coopérative sociale ou d'innovation sociale qui sont apparus en réaction à une perception négative vis à vis de certaines entreprises sociales inefficaces et trop dépendantes de subventions publiques.

Confrontées à des ressources de plus en plus importantes mais aussi de plus en plus disséminées en provenance des politiques nationales, les collectivités locales s'efforcent de constituer une sphère intermédiaire leur permettant d'établir un nouveau partenariat avec les acteurs de la société civile qui trouvent là le moyen de remplir un rôle socio-économique relativement inédit pour eux. Dans cette dynamique, même si elles ne sont pas encore très nombreuses, les coopératives médicales jouent un rôle particulier en tant que forme d'entreprise sociale particulièrement innovante.

3. L'émergence des coopératives médicales

Les coopératives médicales représentent une des formes juridiques habilitées à devenir entreprise sociale certifiée. Elles opèrent, jusqu'à l'introduction de la loi coopérative générale de 2012, sous le statut légal de coopérative de consommateurs intervenant dans le domaine des soins médicaux, y compris pour certaines les soins dentaires. Afin de comprendre l'innovation importante qu'elles représentent dans ce domaine, il est important de comprendre comment est organisé et fonctionne le système de santé en Corée du sud.

Comme cela a été indiqué en première partie, la Corée s'est dotée d'une assurance maladie à caractère universel qui couvre désormais la quasi-totalité de sa population, mais procure des bénéfices relativement limités ce qui explique qu'une part importante des dépenses de santé reste à la charge des malades. Kwon (2009) estime à 38% le reste à charge, très au-dessus de la moyenne dans l'OCDE (20%). D'après Jones (2010), seuls 55% des dépenses de santé sont financés par le secteur public (le 3ème plus bas niveau dans l'OCDE) et 45% environ des dépenses de santé sont financés par le secteur privé, dont 10% environ par des compagnies d'assurance, des employeurs ou des organisations à but non lucratif et 35% par les ménages eux-mêmes à travers d'une part ce qui n'est que partiellement couvert par l'assurance maladie (14%), d'autre part ce que l'assurance maladie ne prend pas du tout en charge (21%).

La part importante de prestations médicales non prises en charge par l'assurance maladie s'explique en particulier par le fait que ce type de prestations n'est soumis à aucune régulation publique ce qui incite les professionnels de santé à prescrire de tels services. Pour continuer à profiter de cette absence de régulation, les professionnels de santé essayent même d'empêcher que de nouvelles prestations soient incluses dans la couverture de l'assurance maladie. Cette dérive est rendue possible par l'absence de gestion paritaire et le fait que les usagers sont traditionnellement tenus à l'écart de la gestion du système par les professions médicales et par les pouvoirs publics.

Du point de vue de l'offre de soins, celle-ci est presque exclusivement privée puisque le secteur privé représente 90% des médecins, 96% des établissements (rangés en 3 catégories selon leur taille) et 90% des lits. Les structures juridiquement enregistrées sous un statut à but non lucratif occupent une place importante à travers deux types d'organisations : les fondations qui gèrent les plus grands hôpitaux et les structures associatives sous lesquelles opèrent la majorité des centres de soins (welfare centers). Si les premières offrent les services médicaux les plus sophistiqués et les plus coûteux et ont un mode de gestion très proche en fait d'une entreprise classique, les secondes ont un fonctionnement très proches d'agences publiques et s'adressent surtout aux personnes les plus pauvres pour leur offrir les services
très basiques que propose le Medical Assistance Program.

Comme le souligne Jones (2010), le système coréen présente quelques caractéristiques propres qui en font un système de soins où les professionnels de santé opèrent avec un contrôle minimal, que ce soit de la part des autorités publiques et plus encore de la part des patients. Il en résulte notamment certains indicateurs très au-dessus des moyennes dans l'OCDE, comme le reste à charge des malades et la proportion élevée de prestations non couvertes par le champ de l'assurance maladie déjà évoqués ci-dessus, ou encore le nombre de consultations par praticiens (trois fois plus élevé que la moyenne OCDE) et la durée moyenne d'hospitalisation (supérieure de 50% à la durée moyenne dans les pays de l'OCDE).

La réforme de 2000, qui a notamment introduit la séparation partielle des actes de prescription et de distribution de médicaments, a permis de corriger certains effets pervers du système qui conduisaient les praticiens à orienter leurs prescriptions en fonction des marges dégagées. Cependant, faute d'avoir été mené à son terme, notamment en raison de l'opposition farouche des syndicats médicaux, cette séparation inaboutie génère encore des prescriptions vers les produits les plus intéressants financièrement pour les praticiens. Elle a également échoué à réduire le volume des prescriptions et la Corée continue d'être très au-dessus des pays de l'OCDE dans ce domaine (plus de 4 médicaments par ordonnance en moyenne pour une moyenne de 2 dans les pays de l'OCDE). Les études montrent par ailleurs que les médecins prescrivent de plus en plus de médicaments coûteux et mal remboursés par l'assurance maladie, probablement sous l'influence des visiteurs médicaux envoyés par les grands
fabricants qui commercialisent ces médicaments.

C'est dans ce contexte que sont apparues au milieu des années 1990 les premières coopératives médicales. La première a été créée en 1994 dans la ville d'Anseong à l'initiative d'une association de paysans et d'une association d'étudiants protestants, la suivante deux ans plus tard à Incheon par une association protestante et un groupe de travailleurs médicaux, la troisième en 2000 à Ansan par des mouvements de citoyens en collaboration avec un centre de recherche en médecine. On compte aujourd'hui 304 coopératives médicales mais 16 seulement sont membres de la fédération des coopératives médicales (Association nationale des coopératives de consommateurs, 2012) et peuvent être à ce titre considérées comme de véritables coopératives médicales. Les quatre principales coopératives médicales (Anseong, Daejeon, Ansan et Incheon) assurent 75% de l'activité de l'ensemble des coopératives affiliées à la fédération nationale et rassemblent également 75% du nombre d'associés. Le
mouvement a touché Séoul en 2002 seulement, soit huit ans après sa naissance à Anseong. C'est une particularité intéressante dans l'environnement sud-coréen qui est très marqué par une forte concentration des activités à Séoul et sa région.

En matière d'offre de soins, les coopératives médicales essayent de répondre à plusieurs besoins spécifiques. Elles mettent notamment l'action sur la prévention et sur le dialogue entre praticien et malade en proposant notamment un temps de consultation en moyenne beaucoup plus long que dans les autres établissements. On y constate également une prescription de médicaments sensiblement inférieure à la moyenne nationale, en particulier pour les antibiotiques et pour les traitements coûteux que l'assurance maladie prend peu en charge. Ces orientations découlent tout à la fois du fait que les usagers participent aux organes de direction et de contrôle de la coopérative et de l'engagement et la volonté de médecins
réformistes qui acceptent de réduire leur rémunération d'une part en étant salariés, d'autre part en acceptant des niveaux de salaire inférieurs à ceux observés ailleurs.

Les coopératives médicales s'efforcent également d'apporter une offre de soins à des populations qui n'ont pas les moyens d'accéder aux établissements traditionnels. Du fait des tarifs modérés qu'elles pratiquent, le public auquel elles s'adressent est davantage composé de groupes appartenant aux tranches de revenus les plus modestes (chômeurs, femmes ou mères célibataires, handicapés, immigrés, agriculteurs, ouvriers, etc.) Certaines coopératives ont d'ailleurs été initiées par des catégories spécifiques directement touchées par cette situation d'exclusion du système de soins : c'est le cas par exemple des coopératives créées à l'initiative de parents de personnes handicapées comme « Marcher ensemble » à Séoul ou « Tourne-sol » à Yong-in. Par ailleurs, dans un système de santé sud-coréen qui est marqué par une forte division entre médecine occidentale et médecine orientale, certaines coopératives médicales essayent d'intégrer ces deux formes de médecine en associant des praticiens de l'une et l'autre.


Soins pour des habitants défavorisés à la coopérative médicale de Daejeon [© Aeyoung CHO]

Evaluée en termes quantitatifs, la contribution de ces coopératives médicales demeure relativement marginale dans le vaste champ que représente la santé, mais elle est beaucoup moins anecdotique en termes qualitatifs de par le modèle original qu'elles représentent. Elles incarnent en effet un modèle particulier d'innovation sociale à la fois par rapport au fonctionnement du système de santé sud-coréen et par rapport aux autres formes d'entreprise sociale et plus généralement par rapport aux autres acteurs de l'économie sociale sudcoréenne.

Une des particularités qui fait des coopératives médicales un modèle porteur d'innovations majeures réside dans le fait qu'elles associent dans leur fonctionnement et dans leurs organes de contrôle des professions médicales, des représentants de la société civile et des usagers, y compris quelquefois, mais rarement, des personnes issues de catégories en difficulté (personnes handicapées, personnes âgées, femmes, paysans, citoyens pauvres, etc.). Elles représentent à cet égard une des rares tentatives pour mettre en place une gouvernance participative dans un système où les professions médicales contrôlent une offre de soins très marchandisée et les pouvoirs publics un système d'assurance maladie encore insuffisant bien qu'en expansion. Une telle gouvernance participative est sans doute un garde-fou nécessaire pour enrayer la tendance qui menace l'équilibre de l'assurance maladie en raison d'une
augmentation des dépenses sous le double effet du vieillissement rapide de la population et du comportement opportuniste des professions médicales pour générer des profits plus élevés.

Par rapport aux autres formes d'entreprise sociale, la gouvernance participative, qui caractérise les coopératives médicales offre une plus grande garantie de pouvoir maintenir une autonomie financière et de respecter les objectifs sociaux. Les coopératives médicales ont d'ailleurs joué un rôle central dans l'émergence récente du débat sur l'économie sociale et dans certaines orientations qui ont été données à la nouvelle loi de 2012 sur la coopérative dont l'un des volets -celui concernant les coopératives sociales- les concerne directement. Cette contribution a été partiellement brouillée par le fait que se sont créées un grand nombre de fausses coopératives médicales pour profiter d'un effet d'aubaine lié aux conditions plus
souples que celles exigées pour ouvrir un établissement de soins (hôpital ou clinique) et à certains avantages associés au statut coopératif. L'un des effets attendus de la loi de 2012 est justement d'introduire une distinction entre « vraies » et « fausses » coopératives médicales.

Conclusion

A la fin des années 1990, Esping-Andersen se demandait si le modèle de protection sociale japonais, influencé par l'Europe et les Etats-Unis, était un modèle hybride ou unique. La même question se pose à propos du modèle coréen et la réponse apportée par les politiques en faveur de l'entreprise sociale montre qu'il s'oriente de plus en plus vers un modèle hybride avec des caractéristiques uniques.

Parmi les différentes formes d'entreprise sociale, la coopérative médicale est un exemple particulièrement intéressant d'innovation sociale qui interroge non seulement le domaine de la santé à travers l'organisation et la gouvernance de l'offre de soins, mais qui peut également inspirer l'économie sociale traditionnelle en raison du caractère hybride qu'elle met en avant. A cet égard, la coopérative médicale semble porteuse d'un modèle qui peut à la fois renforcer l'aspect social des activités coopératives et résoudre certaines difficultés économiques et managériales.

Les coopératives médicales portent en effet en germes un modèle tout à fait original en Corée de co-gestion et de co-production des soins. Dans un système de soins qui écarte les patients de tout processus de décision ou de contrôle, elles incarnent jusqu'à présent la seule véritable tentative pour les associer à la fois à la gestion et aux décisions médicales. Elles s'inscrivent également dans une logique de développement local et territorial qui est très largement absente chez les professionnels de santé qui s'installent massivement dans les zones où se concentrent les hauts revenus. Par rapport au modèle coopératif traditionnel, elles représentent également une voie nouvelle dans la mesure où elles associent différentes catégories de sociétaires (personnel médical, patients, assocations locales, collectivités locales, etc.)

Les prévisions concernant le sytsème de soins indiquent des bouleversements importants dans la deuxième moitié de la décennie 2010 en raison de la démographie très dynamique des professions médicales et la concurrence accrue qui s'ensuit, concurrence qui est en outre accentuée par l'ouverture du marché à des opérateurs étrangers. On peut prévoir que de nombreuses petites cliniques vont disparaître ou être contraintes de fusionner pour atteindre une taille critique. Les coopératives médicales disposent de plusieurs atouts pour affronter cette situation : le modèle original de co-production et de co-gestion qu'elles ont construit renforce la fidélité des participants (usagers et médecins) ; la structure particulière de leur resource-mix, incluant des ressources publiques liées à leur engagement en direction de publics défavorisés et des ressources non-monétaires liées à leur capacité à générer du bénévolat, les rend moins vulnérables à la pression concurrentielle ; enfin, leur « business model » construit sur l'engagement de médecins réformistes acceptant des salaires moins élevés et des horaires de travail moins contraignants les place également en marge de la concurrence.


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* Eric Bidet, Maître de conférences, Université du Mans.
Hyungsik Eum, Doctorant, Université de Liège.

 Universitas Forum, Vol. 4, No. 1, December 2014





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